Ce samedi matin, des trombes d'eau s'abattent sur Annonay, qu'à cela ne tienne, nous sommes bien à l'abri et d'humeur joyeuse en écoutant Serge Naoussi, à la Bibliothèque du bassin annonéen.
Nous faisons connaissance avec l'association ASOMOCAM qui soutient le centre culturel Victor Hugo de Bafoussam au Cameroun dont Serge Naoussi est le directeur. Elle nous nous présente par la bouche de son ancien président leur projet de creuser un puits pour alimenter régulièrement en eau potable 120 élèves.
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Le Cameroun se divise en trois parties et 10 provinces, on dénombre 256 ethnies avec bien sûr 256 langues différentes, quoi de plus naturel pour se comprendre que le Français ou un peu d'anglais dans ces conditions.
Pur sang bamiléké, Serge Naoussi nous parle de son groupe ethnique, groupe le plus important du Cameroun dont on ignore les origines - juifs, égyptiens ?- vivant pour la plupart dans la région montagneuse de l' ouest du Cameroun (1500m environ et 25° de température)
Un groupe dynamique à entendre notre conférencier fort sympathique, une élite intellectuelle, commerçante, courageuse et très économe qui cherche à s'enrichir.
Ce groupe ethnique repose sur plusieurs piliers :
- Le système de la chefferie :
Sorte de petit état au pouvoir culturel et spirituel centralisé autour d'un roi initialement issu du milieu guerrier ou chasseur, ce roi est entouré de neuf notables très proches (dont la charge est transmissible par hérédité) et sept autres notables ; viendront ensuite, les petits notables et les initiés.
Ce roi puissant jouit d'un pouvoir quasi divin, il sera nommé par le roi en service et sera enlevé et emmené dans la forêt sacrée avec neuf femmes pour démontrer son pouvoir de reproduction. Il y recevra pendant neuf jour son pouvoir.
Il y a une centaine de chefferies au Cameroun avec bien sûr le jeu des alliances, du contre pouvoir et des sociétés plus ou moins secrètes.
- L'agriculture :
Les hommes cultivent le café (Arabica et Robusta) les bananiers.
Les femmes s'occupent des petits légumes, manioc, tomates .
A noter une très belle initiative de Bonduelle qui donne des semences et ramasse les petites récoltes de ces jardins.
Les bamilékés sont attentifs à rentabiliser chaque cm2 de leur jardin -maïs et légumes se serrent-
- Le commerce :
Cette bosse du commerce paraît génétique, les bamilékés sont souvent appelés envahisseurs car ils essaiment et ouvrent de grandes boutiques partout où ils passent au Congo, en Guinée, au Tchad.
Neuf hôtels sur dix de la côte seraient détenus par les bamilékés.
- Les funérailles :
Le culte des ancêtres est très vif.
Lors des obsèques, on pleure et on fait un bon repas, ensuite viennent les funérailles, véritables gouffres financiers pour lesquels les bamilékés peuvent s'endetter lourdement.
Des sommes astronomiques sont dépensées pour bien manger, bien boire, recevoir.
L'esprit du défunt reposant dans son crâne, on enterre le corps mais on conserve bien précieusement ce crâne dans une maison réservée où on pourra le déterrer à volonté pour honorer ou interroger le défunt.
- La tontine :
Les bamilékés se regroupent entre ressortissants et forment un système parallèle d'épargne et de prêt destiné à l'investissement ou l'endettement, chacun met une mise de départ et la somme cumulée sera apportée à celui qui en a besoin, un crédit sans intérêt qui repose sur la confiance mutuelle et que l'emprunteur remboursera suivant le même système sans problème car son honneur est en jeu.
- Biens immobiliers :
Le bamiléké ne dépense pas son argent en fêtes ou en vêtements, il est très économe, prend des risques pour s'enrichir, travaille beaucoup et se doit d'avoir deux maisons - une en ville et une autre au village.
Le bamiléké ne paraît pas trop se soucier de la politique, il travaille, commerce, honore ses ancêtres et scolarise ses enfants.
70 % de chrétiens et 20 % de musulmans au Nord qui sont principalement éleveurs.
Serge Naoussi s’étonne de voir des jeunes aux manettes de notre pays alors que dans le sien, ce rôle est réservé aux anciens, il explique la corruption qui existe à tous les étages du Cameroun à la suite de la baisse drastique des salaires en 1992.
Serge Naoussi termine sa prestation par quelques danses et quelques chants de son pays.